Le soleil avait déjà atteint son zénith lorsque je commençais à m’extirper lentement des brumes du sommeil. Mais cela je ne pouvais pas le savoir. Premièrement parce que j’était encore groggy et deuxièmement parce que j’avais pris soin de bien fermer mes volets la veille, afin d’éviter d’être réveillée trop tôt par les rayons lumineux. En dépit de la chaleur de cette fin de mois d’août, mes fenêtres étaient closes. Ce que je regrettais immédiatement. Il régnait dans ma chambre une chaleur atroce, et j’avais plus l’impression de me trouver dans un four qu’ailleurs. C’était cette température qui m’avais sortie du monde des songes. Ma première réaction fut de pousser un long soupir et de propulser mon drap contre le mur d‘en face. J’avais du mal à supporter la chaleur. Cependant je restais un moment étendue sur mon lit, en position « étoile », me préparant mentalement à cette journée.

Alors que je commençais à m’enfoncer dans les méandres de mes pensées, la porte de ma chambre s’ouvrit avec fracas et une lumière dorée pénétra violemment mon sanctuaire sacré. J’eu le réflexe de me couvrir les yeux avec mes mains. J’exprimais un grognement pas franchement très féminin lorsque je reconnus l’auteur du crime. Ma petite sœur, Aurélie. Qui affichait un grand sourire sadique.

-Bonjouuuuuuuuuuuuuur! Me hurla-t-elle au visage en se penchant sur moi.

Pour toute réponse, je me retournais et me mis en boule, lui jetant mes longs cheveux dans la figure au passage.

-Joyeux anniversaire ma poule! Continua-t-elle tout en se dirigeant vers la fenêtre dans l’intention d’ouvrir les volets.

Je réagis au quart de tour. Je me levais d’un bond et me jetais sur elle en hurlant, soudain tout a fait réveillée.

-Ouvre les stores et je te pète la gueule!!!

-Putain mais lâche moi grosse folle!!!

Alors que nous nous débattions sur le parquet en plancher grinçant de la pièce, un voix se fit entendre, montant du bas des escaliers.

-Vous vous calmez tout de suite ou j’en prend une pour taper sur l’autre!!! C’est clair?

Je stoppais mon activité en pouffant comme une gamine de 12 ans.

-Bonjour maman! Fis-je.

La voix se fit tout de suit beaucoup plus douce:

-Bon anniversaire ma pupuce! Descend que je puisse te faire un gros bisous!

Je levais les yeux au ciel. Cela ne changerait jamais. Même quand j’aurais 40 ans elle continuerait de me trouver des petits surnoms débiles. Je me relevais avec peine et remis mon bas de pyjama en place, afin d’avoir l’air à peu près présentable. Je sortis de ma chambre en faisant signe à ma sœur d’en faire autant, et descendis les escaliers d’un pas lourd.

Au bas des marches se tenait ma mère, Judith. A 45 ans, elle en paraissait 38. Ce dont elle ne semblait pas se rendre compte et qui faisait la jalousie de ses amies. Elle possédait des cheveux blonds et bouclés, qui lui arrivaient au épaules. De base elle était rousse, mais elle affectionnait particulièrement les teintures de cheveux. Sa peaux était claire et son visage parsemé de tâches de rousseur. Ses yeux étaient d’un vert éclatant, plus prononcé encore ce matin là. Je lui devais la forme de mon visage et de mes sourcils, ainsi que ma taille. Mais les ressemblances s’arrêtaient ici. En effet nous étions plutôt différentes. J’avais de longs cheveux raides comme des baguettes qui atteignaient mes hanches. Je me décrirais comme étant brune, même si mon entourage n’est pas du même avis et me dit châtain. Il faut dire que depuis ma plus tendre enfance, j’avais presque toujours un point de vue différent des autres sur les nuances de couleurs. Probablement un problème supplémentaire à ma liste déjà longue de tares. De surcroît, mes yeux étaient d’une banale couleur marron. Quel ennui! J’avais horreur du banal. J’aimais ce qui sortait de l’ordinaire. Quoi de plus normal, depuis ma naissante je baigne dans le mystère. Comment dire? Autant ne pas y aller par quatre chemins. Je suis une sorcière. C’est surprenant mais néanmoins vrai. Cela aussi je le tiens de ma mère. Quand on a l’habitude de faire le ménage en faisant léviter les objets et autres produits ménagers, les inventions technologiques high-tech paraissent vraiment stupides. Je n’ais pas besoin de la technologie, puisque je manie un art ancestral, qui existait bien avant tous ces petits gadgets coûteux. Cependant, je le confesse, ma survie dépend de mon ordinateur. Je ne conçois pas la vie sans. Je suis ce que l’on peut appeler « une geekette ». Mais ne vous fiez pas à la fiction. Je ne jette pas de sorts avec une baguette magique. Chaque sorcière naît avec un don à la naissance en plus de la capacité à réaliser divers enchantements et potions. Pour ma part, le don que je possède me permet de déplacer les objets par la pensée. En revanche, j’utilise parfois de longs morceaux de bois polis pour certains rituels. Et j’aurais beaucoup de mal à voler sur un balais. Même si l’idée de m’élever dans le ciel pour aller où bon me semble me parait plaisante. Et puis je n’ai pas de voiture aussi, donc sa m’aurais bien arrangée. Mais j’ai un espoir secret. J’espère qu’un jour à force d’entraînement, je pourrais me faire léviter moi-même.

Ma mère m’ouvrit ses bras et je couru m’y réfugier. Je restais un long moment ainsi, puis m’arrachais avec regrets de son étreinte.

-Il est déjà midi. Il faudrait que tu pense à te préparer pour ta fête, me fit-elle.

-Ouais, je sais…

-Heum…Et je sais bien que c’est un jour spécial, mais quand même…Tu pourrait penser à ranger ta chambre, se serait pas du luxe.

-Pff!

Cela ne m’enchantais pas vraiment. Car même si la plus grande partie de mon bazar pouvait être ordonné grâce à la magie, ce n’était pas le cas des divers petits bidules qui jonchaient le sol de chambre, et que j’allais devoir ranger à la main.

Je rebroussais donc chemin, en faisant exprès de traîner les pieds dans les marches des escaliers. Ce fut une très mauvaise idée puisque je me pris les pieds dans l’ourlet de mon pyjama et trébuchais, manquant de m’étaler ou de basculer en arrière. Cela aurait pu me tuer sur le coup.

J’étais à présent tout à fait réveillée, et enfin décidée à me remuer. J’entrepris de redonner à ma chambre une allure potable. J’ouvris les volets en grand, ce que je ne faisait d’ordinaire jamais. Mais j’était soudain de bonne humeur. Je me tenais au centre de mon fief, mes bras effectuant des ondulations autour de moi, tandis que je faisais voltiger draps, oreillers et vêtements. On se serait cru en pleine tempête. Partout autour de moi, les objets volaient en une sorte de tourbillon, avant de se déposer gentiment à leur place. C’était une opération qui demandait beaucoup de concentration, car je devais avoir en tête chaque objet que déplaçais. Je la perdit immédiatement lorsque Aurélie fit à nouveau irruption dans ma chambre, passant sa tête par la porte, et le courant d’air disparut brutalement. Mes bougeoirs en verre se brisèrent en milles morceaux sur le sol, et des parchemins d’incantations se glissèrent sous le lit. La rage me monta au visage. Je n’étais pas réputée pour mon calme, et la moindre contrariété me mettais hors de moi. Ajouté à cela, j’étais quelqu’un de très matérialiste. Il n’en fallut donc pas plus pour que je me mette à hurler. Ma sœur prit la fuite en levant les yeux au ciel devant tant d’exubérance.

-Dommage que ton don ne fonctionne pas sur les objets! Tu va me les repayer! Hurlais-je.

Je l’entendis ricaner d’une façon qu’elle croyait discrète mais qui ne l’était pas. Son don était celui de guérir par le toucher. Mais cela ne me ramènerais pas mes chers outils. Je penchais vers les dégâts pour ramasser les bris de verre tout en continuant à bougonner dans ma barbe.

Environ une demi heure plus tard, j’émergeais de ma chambre, les cheveux dans tous les sens et le visage rougis par la chaleur et l’effort. J’avais du me résoudre à utiliser la bonne vielle méthode à l’ancienne, soit à la main. Il était déjà 13 heures et je devais prendre une douche. En raison du temps et du soleil radieux et potentiellement dangereux qui dardait ses rayons sur les vitres de mes fenêtres, j’avais dû à nouveau plonger ma chambre dans le noir complet, afin de garder le peu de fraîcheur qui subsistait de la nuit. Je me débarrassais de mon attirail de femme de ménage et fonçais en direction de la salle de bains.

Je me glissais dans la baignoire et me forçait à prendre une douche glacée. Sa n’était pas très agréable, mais le but était secondaire. J’avais du mal à supporter la chaleur ambiante et cela me permettais de réguler ma température corporelle. Une fois cette torture terminée, j’enroulais mes cheveux dans une longue serviette et me rendis dans mon dressing pour me choisir une robe.

Aux environs de 20 heures, les premiers invités arrivèrent. Cependant, ils n’étaient pas très nombreux. Les convives étaient composés principalement de membres de la famille et d’amis très proches. Et pour causse, j’avais émis le souhait de ne recevoir que du matériel ésotérique et guise de cadeaux. Ainsi, recevoir quelqu’un qui ne connaît pas l’existence de la magie aurait été risqué.

La première arrivée fut Héloïse. La petite rousse se tenait devant la grille principale, où elle bataillait avec la poignée rouillée, vêtue d‘un longue robe rouge. J’accouru immédiatement à son secours. J’étais heureuse de la retrouver, après deux longs mois de vacances. Je ne pus m’empêcher de faire des remarques sur sa tenue, car il était extrêmement rare qu’elle porte autre chose que des jeans.

Je la connaisait depuis la seconde. Ou plutôt depuis que j’avais redoublé ce niveau. Elle était dans le même cas que moi, ce qui nous avais rapprochées. Mais nous étions devenues amies pour une toute autre raison. Nous partagions le même secret. C’était aussi une sorcière. Je l’avais découvert tout à fait par hasard. Notre professeur de français, en début d’année, nous avait demandé de remplir les inévitables fiches de renseignements, pour « faire connaissance ». Parmi les diverses questions toutes plus débiles les unes que les autres, il y en avait une qui concernait nos lectures. Quel genre de livres aimez vous particulièrement? Nous étions l’une à côté de l’autre et mon regard avait glissé sur la feuille de ma voisine. Cette dernière s’était contentée de répondre sobrement « des livres spirituels » . Cela m’avais intriguée, et je lui avais demandé à quoi elle faisait allusion. Sans me regarder, elle me répondit d’une toute petite voix qu’elle s’intéressait au paranormal. Après quelques secondes de silence, j’avais fini par lui avouer que j’étais dans le même cas qu’elle. Cela nous avais conduit à de vives discussions sur le sujets, lors de nos heures libres. Et puis au fil des mois nous étions devenues de plus en plus proches, jusqu’à ce que je lui confesse que j’étais une sorcière. A ma grande surprise, elle s’en était réjouie et m’avais annoncé ave un grand sourire qu’elle en était également une. J’avais absolument voulu connaître son don personnel. Elle me l’avais donc révélé. Son pouvoir était celui de contrôler les énergies. Un pouvoir puissant car très vaste. Il lui permettait entre autre d’affaiblir une personne en lui volant son énergie, mais aussi de faire fonctionner une télévision sans la brancher.

Après les embrassades, je la conduisit vers l’arrière du jardin, où se déroulerais la soirée. L’espace avait été décoré pour l’occasion. Des petites lucioles oranges étaient accrochées dans les arbres, même si pour le moment, elles n’étaient d’aucune utilité, dans la mesure où il faisait encore jour. Des tables avaient été dressées pour accueillir le buffet, composé uniquement de plats froids. Des canapés de jardin aux couleurs vives étaient disséminés un peu partout. Je lui fis signe de déposer les paquets qu’elle tenaient dans sa main sur une table libre prévue à cet effet. Elle s’exécuta mais n’en posa qu’un, tout en cachant le deuxième dans son dos.

-Qu’Est-ce que tu fous?

-Celui là il est spécial. Tu sera la seule à connaître son existence, me fit-elle.

-C’est une bombe? Tu veux me faire sauter c’est ça? Fit je en souriant.

-Ouais, j’en peu plus de toi! Me répondit-elle.

Nous nous regardâmes dans les yeux un moment avant d’exploser de rire. Je secouais la tête, lui fit signe de me suivre et l’entraînais dans mon sillage à l’intérieur de la maison.

Cependant que Judith s’affairait dans les cuisine et qu’Aurélie répondait à ses e-mails, Héloïse et moi nous rendîmes dans ma chambre. Je me jetais sur mon lit, en dépit de ma robe blanche que je risquais de froisser. Mon amie s’assit à mes côtés. Nous discutâmes de tout et de rien pendant un moment. Mais une ombre d’impatience apparu dans son regard.

-Raah! Bon aller j’en peu plus! Ouvre ton cadeaux! Me fit-elle.

Elle trépignait d’impatience. Intriguée, je saisis le paquet qu’elle me tendit. Je déchirais le papier avec une lenteur exaspérante, afin de la faire enrager.

-Grrr! Mais vas y grand-mère!

Les derniers lambeaux de papiers rejoignirent le sol, et mes yeux s’agrandirent comme des soucoupes. Mon regard incrédule fit plusieurs fois la navette entre le présent et Héloïse. Je ne savais comment réagir. Il s’agissait d’un grimoire ancien. Le titre se détachait en lettres rouges sang sur la couverture de cuir abîmé.

- « Démons »?Fit je d’une voix pâle.

Elle ne me répondit pas mais m’adressa un regard lourd de sens. C’était un cadeaux inestimable.

-Mais…Mais…Comment tu as fait pour trouver un truc pareil? Sa doit valoir une véritable fortune! Et en plus tu me l’offre! Mais t’es malade!

Aussitôt, je réalisais l’envergure de la chose. Je laissais déborder ma joie et poussais des petits cris enjoués.

-C’est génial!

-J’espère bien! T’imagine même pas combien ça m’a coûté! J’crois bien que je suis endettée à vie! Me fit-elle en m’adressant un clin d’œil.

Elle me laissa manifester ma joie encore un petit moment, avant d’afficher soudain un air sérieux.

-Trêve de plaisanteries. Tu doit bien te douter que je ne t’offre pas ce livre pour qu’il décore ton étagère. Il est temps de faire enfin bouger les choses.

Mon sourire se fana.

-Tu n’est pas sérieuse? Lui demandais-je.

-Aller c’est bon, on est plus des gamines! Fait pas ta chochotte! En plus, je sais que tu en rêve.

-Mais, c’est dangereux! Tu imagine un peu si l’invocation rate!

-Arrête! On est pas des novices!

Depuis l’adolescence, je voulais devenir une sorcière très puissante. Entendez par là plus puissante que la moyenne. Un beau jour, j’avais même pensé à recourir à l’aide d’un démon pour y parvenir. Et j’en avais fait part à Héloïse. Et aujourd’hui, elle m’offrait l’occasion de réaliser mon improbable rêve sur un plateaux.

Tandis que j’était en pleine stupéfaction, hésitant entre la joie et la crainte, la voix de Judith retentit dans le hall.

-Hey les filles! Les autres sont déjà là depuis un moment!

Son intervention me fit descendre brutalement de mon nuage.

-Ok on arrive! Hurlais-je.

Je me tournais vers mon amie, et mon visage se détendit enfin.

-Ok c’est bon, je vais le faire. Ça m’a surpris, c’est tout.

Sur ce, je me levais et me dirigeais vers le jardin.

Il ne faisait pas encore nuit, cependant le ciel commençait à s’assombrir. Les convives étaient désormais au complet. J’avais souhaité quelque chose de convivial, et n’avais invité que le nécessaire. Ainsi donc il n’y avait en plus de ma mère et de ma sœur que deux amies, Katell et Margot, ainsi que mon père et sa petite amie. Ce dernier s’appelais Tennyson. Je sais, ce n’est pas commun. Mais il est d’origine anglaise, ce qui explique beaucoup de choses. Je dois préciser que mes parents sont divorcés depuis 4 ans. Dans les films on voit souvent des histoires d’enfants qui essayent de faire en sorte que leurs parents se remettent ensembles. Cela n’était pas mon cas. Croyez moi ils étaient beaucoup mieux depuis qu’ils étaient séparés. Mais chose étonnante, ils étaient restés bons amis. Et je voyais mon père encore assez souvent. D’ailleurs c’était également un mage. Je suis une sorcière de sang pur, voyons. Il possédais le don de lancer des malédictions. Mieux valais donc ne pas être son ennemi. Sa petite amie quand à elle n’avais aucun pouvoir. Cela m’avais extrêmement surprise de voir ces deux là s’associer.

Ils se tenaient tous côte à côte dans le jardin, avec des verres de champagne à la main. Je dus tous les passer en revue pour leur faire la bise en guise de bienvenue.

Contrairement à la coutume, chez moi on offre les présents lors de l’apéritif et le gâteaux vient en fin de repas. Je dus donc me forcer à sourire comme une abrutie tandis que l’on me prenait en photo et que je me débattais avec des emballages récalcitrants. J’avais horreur de cela. Je ne me trouvais absolument pas photogénique. Sur tous les rares portrais de moi, soit je faisais la gueule, soit j’exhibais un sourire forcé absolument pas naturel. Cependant je fus très satisfaite de ce que je reçus. De la part de mon père et de sa copine Cristina, une athamé à lame d’acier gravée d’un pentagramme. De ma mère, un crâne gravé de symboles alchimiques et de sceaux de protection. De ma sœur, de l’huile de mandragore, qu’on utilisait beaucoup pour les rituels d’amour. Celle-ci m’adressa un clin d’œil chargé de sens. De Katell, un pendentif en argent en forme de pentagramme, que je mis immédiatement à mon cou. De Margot, un sachet de velours rouge contenant un ensemble de runes en bois. Bien qu’elles ne soient pas des sorcières, je leur avais fait partager mon secret et elles n’en avais pas été effrayées. Je portais en elles une grande confiance. Et pour finir, je reçus de la part de Héloïse un pendule en cristal de roche, qui cependant n’était qu’un leurre.

Une fois la cérémonie de remise des récompenses terminée, nous pûmes enfin passer à table. Enfin, cela n’était qu’une façon de parler, puisque qu’en réalité chacun allait se servir au buffet et allait ensuite s’installer où bon lui semblait pour grignoter. Tennyson et Cristina passèrent la soirée à se regarder dans le blanc des yeux comme ils le faisaient si souvent. Le monde disparaissait alors autour d’eux, cependant qu’ils étaient l’un en face de l’autre. Je n’en pris pas outrage, car j’étais habituée à leur comportement.

Ce fut vers minuit que j’officialisais enfin cette année de plus. On me présenta un gâteaux aux fruits rouges, décoré d’un plaque de pâte d’amande portant mon nom, Ophélie. Au milieu des fraises et des groseilles, étaient plantées 19 bougies. Sous les encouragements de tout le monde je me penchais vers elles et les éteignit d’un souffle.

La petite fête de famille se prolongea tardivement et s’acheva sur les environ de 2 heures du matin. J’étais épuisée. Non pas parce que je m’étais déhanché sur la musique, car j’avais horreur de danser et de plus, je n’avais pas vraiment le sens du rythme. Je ne me l’avouerais jamais, mais je savais qu’au fond, c’était parce que je n’avais pas suffisamment confiance en moi. En revanche, j’avais dû veiller à ce que Héloïse se tienne le plus loin possible des boisons. Elle n’était pas alcoolique, loin de là. Elle avait juste tendance à viser large dans les doses. Je n’avais pas envie de revivre notre soirée du nouvel an précédent, où nous nous étions saoulé volontairement. Passer le premier jour de l’année la tête dans la cuvette des toilettes ne m’avais pas laissé un bon souvenir. Autant ne pas réitérer l’expérience. De plus, je doutais que Judith considère cela d’un bon œil.

Lorsque ils furent tous enfin partis, Judith me réquisitionna pour débarrasser le carnage. Cela ne m’enchanta guère, mais je m’exécutais tout de même, en dépit des cernes violettes qui commençaient à se creuser sous mes yeux. Une fois ce travail fastidieux terminé. J’entraînais Héloïse dans ma chambre, car elle devait passer la nuit à la maison.

J’eu beaucoup de mal à m’endormir, et pour cause: impossible de faire taire mon invitée. Cependant qu’elle débitait des idioties, je me disais que j’avais faillis à ma mission. Mais j’avais beau penser cela, je m’amusais tout de même de ce moment de complicité. J’ai souvent tendance à jouer les mauvaises langues, alors que dans le fond j’étais suis tout aussi puérile. Finalement, nous nous endormîmes aux environs de 4 heures du matin.

Le reste de la journée se déroula d’un façon plutôt prévisible. Je dormis quasiment toute la journée. Lorsque je me réveillais, il était déjà 19 heures. Je me débarrassais rapidement de mes draps, qui s’étaient collés à moi sous l’effet de la transpiration. Je me redressais légèrement et m’appuyais sur mes coudes. Aussitôt, un léger mal de crâne m’assaillit. Je grimaçais et notais un léger détail. J’étais seule. Mon amie n’étais plus là. Cette constatation me laissa un profond sentiment de vide et d’abandon. Je décidais de consulter mon portable, histoire de savoir quelle heure il pouvait bien être. Je me penchais sur le côté gauche de mon lit et fouillais dans le tiroir de la table de nuit qui s’y trouvait. Lorsque je dénichais enfin l’appareil, je l’approchais de mon visage et enfonçais la touche rouge. Il s’alluma en m’éclairant le visage, ce qui me fis plisser les yeux. J’attendis avec patiente que le terminal se mette en tension. Mes yeux s’écarquillèrent lorsque je constatais que la journée était déjà si avancée. Puis je remarquais que j’avais reçu un message. Je pressais la touche « ok » afin de le lire. Il s’agissait d’Héloïse. Elle disait qu’elle était partie car elle ne voulais pas me réveiller. Elle me demandais ensuite de l’appeler le plus tôt possible.

Je me promis d’y penser puis verrouillais le clavier avant de reposer mon téléphone sur le meuble d’appoint.

Je ne me sentais pas très bien. Autant le dire carrément, j’avais la tête dans le pâté. Je décidais tout de même d’aller me débarbouiller un peu, au moins pour ne pas effrayer la famille.

Après avoir effectué cette tâche, je débarquais dans le salon. Je saisis le téléphone sans fil et me jetais dans le canapé. Judith, qui regardait la télévision à sa place habituelle, fit une tête de trois mètres de long.

-Bonjour, maman! Fit-je.

Je savais que si je commettais l’imprudence de l’ignorer, elle me sermonnerait.

-Sa va, t’as pas trop dormi? Me fit elle avant de m’adresser un clin d’œil complice.

Depuis toujours, j’étais une incroyable marmotte. Pas dans le sens où je restais au lit jusque tard, mais plutôt dans le sens où j’avais besoins d’au moins 10 bonnes heures de sommeil pour être totalement reposée.

-A qui est-ce que tu vas téléphoner?

-A Héloïse.

A ces mots je réalisais qu’il n’était pas très judicieux de passer mon coup de fil dans le salon. J’avais horreur qu’on épie mes conversations téléphoniques. Je me levais pour réintégrer mon antre. De toute façon, je n’arrivais pas à retenir les numéros de téléphone, et celui-ci ne faisait pas exception à la règle. J’aurais donc besoin de mon précieux agenda. Oui, je sais. En ce siècle de technologie, j’utilisais toujours un bon vieil agenda pour noter mes contact. Pour moi, les bonnes vieilles méthodes étaient les meilleures. Et pourtant, je possédais tout de même un smart phone.

Après avoir retrouvé le petit carnet violet dans les entrailles de mes tiroirs, je m’assis à même le sol, en tailleur. Un vieux réflexe hérité de mes séances de méditation. Je le feuilletais un moment avant de décrocher le sésame. Je ne me servais pas des petites lettres sur le côté pour organiser mes connaissances. Je me contentais d’inscrire les informations dans un ordre chronologique, c’est-à-dire, au fur et à mesure. Je pressais les touches du combiné avec une extrême concentration, histoire de ne pas composer de faux numéro. J’avais horreur de devoir m’excuser pour ma gaucherie auprès de parfais inconnus. Pendant qu’un « bip » régulier résonnait, je priais pour qu’elle réponde. Au bout de 3 sonneries consécutives, mon vœux fut exaucé. Une voix lasse me répondit.

-Ouais…

-Heu…Salut! C’est moi, Ophélie! Je te dérange pas là?

-Nan c’est bon, c’est juste ma daronne qui me prend la tête avec les putains de formulaires pour l’école de police.

-Hein?!Mais t’es pas déjà inscrite?

-Bah si banane, je m’y suis prise en avance même. Nan, c’est juste des fiches à la con pour trouver une piaule sur place.

-Ouais je vois.

-Bah ouais mais bon, toi t’as pas ce problème là au moins, veinarde!

En effet, je m’étais inscrite à l’université de droit de Nantes pour la rentrée qui arrivait à grands pas. Comme c’était trop loin de chez moi, j’allais devoir dormir sur place. Ce problème c’était cependant vite réglé. Katell avait arrêté le même choix que moi. Comme ses parents possédaient un appartement là-bas, nous serions donc colocataires.

-A ce propos…Comme je pars dans quelques jours, j’ai pensé qu’on devrais effectuer le rituel le plus tôt possible.

-Ouais mais encore? Tu part quand?

-Heu…Genre la semaine prochaine?

-Ah ouais quand même. Sa va faire court. Bon. Bah regarde voir dans le bouquin ce qu’il va nous falloir comme matos. Je paye la moitié. Comme ça c’est réglos.

-Ouais. Attend, bouge pas, j’vais voir tout de suite.

Je me relevais un peu gauchement et calais l’appareil entre mon épaule et ma tête. Je soulevais mon matelas pour récupérer le livre, que j’avais pensé à cacher. A vrai dire, je ne savais pas trop comment aurait réagi Judith si elle avait su que j’étais en possession d’un tel ouvrage. Je me repositionnais par terre et ouvris le grimoire à mes côtés. Le matériel nécessaire était indiqué dès les premières pages, tout de suite après les mises en garde. J’ignorais ces dernières. Je savais pourtant que je jouais à un jeu dangereux, mais mon esprit se refusait à l’admettre.

-Alors…Fit-je tout en parcourant les pages jaunies par le temps.

-Qu’Est-ce qu’il dissent?

-Wow! Calme toi, on dirait une gamine! Bon. Alors d’abord, ils dissent qu’on doit trouver un endroit paisible où on ne sera pas dérangé. Déjà, c’est pas chez moi qu’on pourra faire ça.

-Mdr! On est mal barré!

-J’suis pas une pro de la magie noire, mais il me semble que le mieux, ce serait un truc du genre sanctuaire abandonné.

-Ah ouais c’est sûr que y en a pleins dans le coin.

-Mouais…Ah bah si, je sais! Au pire, on peut toujours le faire dans un vieux cimetière. Y a pas plus abandonné.

-J’me vois pas trop traîner dans un cimetière la nuit! J’savais que t’avait des penchants gothique, mais pas à ce point là.

-C’que t’es con! Nan mais arrête! C’est sérieux! Je tiens à faire ça le mieux possible! Et pis c’était ton idée à la base! T’a peur tout à coup?

-Nan! Ok, va pour le vieux cimetière croulant.

-Ah la la…Sa fait vraiment super stéréotype! Mais bon, sa va le faire.

-Ok, c’est cool tout ça…Mais bon, j’en connais pas des tonnes moi!

-Ben, je t’aurais bien proposé l’ancien cimetière de mon village, mais il est assez proche des habitations. T’imagine un peu la tronche des voisins si j’me fait chopper! Ils vont appeler les flics et croire que je veux souiller les tombes de leurs ancêtres! Sa va crier au satanisme dans tout le bled! Et en plus, ils n’auront pas tout à fait tort!

Héloïse explosa de rire à l’autre bout du fil.

-Ouais, nan! Fausse bonne idée! Bah écoute, j’vais demander à mon ami Google, comme tu dit si bien. Et pis je te rappelle après. Alors, on aura besoin de quoi d’autre?

-De l’encens. C’est écrit que la fragrance n’est pas importante, on peut choisir celle qu’on veux. Mais il faut que ce soit de la très bonne qualité. Et il faut aussi éviter que sa schlingue, sinon le démon va se foutre en rogne.

-Ouais donc en gros, on utilisera pas ton vieil encens pourri du Népal! Sa me donne envie de taper galette quand tu l’allume!

-Oh! On ne se moque pas! C’est mon grand père qui me l’a ramené de ses voyages! Et sache qu’il n’y a pas plus spirituel, puisqu’il est utilisé par les moines tibétains!

-Ouais bah je préfère quand même pas tenter le truc! J’ai pas envie de me faire courser par un démon véner!

-Ok. Tu propose quoi?

-Un truc classique. Senteur rose.

-T’as pas moins romantique? Tu cherche un mec ou le pouvoir?

-Fruit rouges?

-Ah ouais, ça je suis pour! Adjugé, vendu!

-Au suivant! Y nous faut quoi d’autre?

-Des bougies noires.

-Le nombre est pas précisé?

-Attend.

Je scrutais les lignes tracées à l’encre rouge foncé.

-Heu…Bah pas à première vue.

-Ah. Sa me surprend. Un truc pareil devrait être beaucoup plus complexe à effectuer.

-Tu l’a acheté à la foire fouille ton bouquin ou quoi?

-Insulte suprême. Je n’en prend même pas ombrage. Bon, passons. Balance la suite!

-S’il te plait.

-S’il te plait….Conasse!

-Un bout de papier avec le signe du démon dessus et une bougie de sa couleur. Merde! J’ai pas encore choisi moi! J’voulais qu’on le fasse ensemble!

-A toi l’honneur. Après tout c’est TON cadeaux.

-Ok. Je vais le faire maintenant. J’y vais au feeling. Laisse moi quelques secondes.

Sur ces mots, je saisis le livre et le refermais. Je le tenais de façon à ce qu’il soit à la verticale. J’insérais mon doigt entre la première de couverture et la première page. Puis je le feuilletais à toute vitesse et interrompis mon geste lorsque je sentis que c’était le bon moment, soit en plein milieux de l’ouvrage. J’écartais les pages pour découvrir l’heureux élu. Je n’avais jamais entendu parler de lui.

-Voilà, c’est fait.

-Comment s’appelle le gagnant?

-Sebastian Michaelis

Dès le lendemain, je m’était mise en quête du matériel. J’avais beau posséder un permis de conduire, je n’avais pas de voiture. Je demandais donc à Judith de m’emmener dans la zone commerciale la plus proche. Officiellement, j’allais m’acheter quelques bricoles avant d’emménager à Nantes. Bien sûr je ne manquerais tout de même pas de passer dans un ou deux magasins de vêtements pour compléter ma garde robe. Bien que sois adulte, elle avait refusé de me laisser y aller seule. Et je ne pouvais me permettre de me faire escorter par ma mère. Elle aurait réussit à ruiner mon plan si je n’avais pas eu une idée de génie. Bon d’accord, ce n’était pas si exceptionnel que ça. J’avais juste demandé à Héloïse de me rejoindre à un endroit donné.

J’avais patienté une vingtaine de minutes devant une célèbre enseigne de meubles suédois quand sa silhouette se profila à l’autre bout du parking. Lorsqu’elle m’aperçu, elle m’adressa un grand geste du bras avant de trottiner dans ma direction. Distraite, elle avait manqué de se faire écraser par une Twingo noire. Le véhicule s’était arrêté à quelques centimètres d’elle. Sous l’effet de la surprise, elle s’était figée sur place. Elle reprit contenance et adressa un doigt d’honneur au conducteur qui s’égosillait dans l’habitacle. Puis elle posa ses deux mains sur le capot et ferma les yeux. J’esquissais un petit sourire malicieux lorsque je compris ce qu’elle allait faire. Elle mit son don à l’œuvre et capta toute l’énergie de la voiture, qui cala. A ce moment, toute expression quitta le visage du chauffeur tandis qu’il assistait à la scène, impuissant. Même de loin, je pouvais voir les frissons qui parcouraient ses avants bras tandis qu’elle ouvrait les yeux. Revigorée, elle me rejoignit en quelques enjambées. Elle m’embrassa sur les joues et je lui rendit la pareille puis nous nous enfuîmes en courant, gloussant comme des adolescentes.

Quand je suis arrivée devant la boutique ethnique, j‘étais une tomate vivante. Mon amie quand à elle, ne faisait même pas mine d’être essoufflée. Avec tout ce qu’elle avait pris, cela allait durer un bon moment. Je savais par expérience que j’allais devoir l’empêcher de me traîner derrière elle si elle ne se contrôlait pas. Je mimais un éventail avec ma main puis poussait le battant de la porte en verre. Le tintement d’une petite clochette retentit. L’air embaumait l’encens. C’était à la limite du supportable. Le magasin était plongé dans la pénombre, et des milliers de bougies brûlaient de part et d’autre des étagères. Une musique de relaxation très « new age » ponctuait le tout. Seuls les lanceurs de sort pouvaient pénétrer à l’intérieur. Pour les autres, elle était invisible.

Je me suis avancée au milieu des étalages de produits ésotériques. J’ai admiré un ensemble de cristaux puis j’ai passé mon chemin. Sur un présentoir central, trônait un magnifique pendule. Il était composé d’une sorte de cage circulaire en argent renfermant une étoile en améthyste. Je ne pus m’empêcher de le vouloir. Cependant je me ressaisit en secouant la tête. Je n’étais pas là pour ça. Je fouillais dans les larges poches de ma cape de laine pour en sortir une liste de fournitures toute fripée. En tête, figurait l’encens. Je fis signe à mon amie de me rejoindre, car elle s’était égarée dans les étalages de potions.

-T’as dit que tu te chargerait de l’encens, puisque tu juge que j’ai des goûts de merde en la matière…Du coup, tu t’occupe de ça tandis que j’vais voir pour les bougies.

-Oui môman! Me répondit-elle en imitant un petit chiot.

Je pouffais avant de lui tourner le dos et de reprendre sérieusement ma quête. Je m’approchais d’un présentoir à casier dans lequel étaient entassées des bâtonnets de cire de toutes les couleurs possibles. J’examinais le choix qui s’offrait à moi. J’en saisis une pour la porter à mon regard. Elle était magnifique. La cire était gravée de multitudes de signes cabalistiques. Je hélais la vendeuse, qui m’observait par-dessus son magazine, assise derrière son comptoir. Elle se précipita à ma rencontre.

-Hem…Bonjour…Heu…J’aurais besoin d’un petit renseignement. Je vais faire une invocation démoniaque et j’aimerais savoir quel modèle vous me conseillez, afin que le rituel soit le plus puissant possible.

Elle leva un sourcil hautain.

-Vous êtes novice?

-Pardon? Bien sûr que non! Je suis une sorcière de sang et pur, et je pratique la magie depuis que j’ai 10 ans! Non, c’est juste que je n’ai jamais beaucoup pratiqué la magie noire…

-Dans ce cas, je dois vous avertir que ce genre de pratique comprend énormément de risques et…

-Peu importe. J’ai plein de fric pour payer vos trucs. C’est tout ce qui devrais vous importer, non? On dit bien que le client est roi, hein?

D‘ordinaire, je n‘était pas aussi arrogante. Seulement, il ne fallait quand même pas me chercher. Elle avait tenté de me prendre de haut, je l’avait donc remise à sa place. Elle se redressa pour adopter une posture droite et fière et me répondis q’un ton dénué de sentiments:

-Celui que vous tenez sera parfait. C’est un très bon choix. Il est optimisé pour la magie noire. Les signes gravées correspondent à des litanies infernales.

Je retournais la bougie pour consulter son prix sur l’étiquette. Ma mâchoire se décrocha. 15 euros pièce, rien que ça!

-Ah oui, quand même…Murmurais-je.

Qu’a cela ne tienne, j’allais quand même les prendre. Je décidais d’en prendre 5, afin d’en placer une à chaque branche du pentagramme. Qui a dit que la magie était à la portée de tout le monde? C’est un art de luxe, vu le prix du matériel. Heureusement que j’avais vu large dans mon budget!

J’enfournais mes achats dans un petit panier que me tendis la vendeuse. Puis je consultais à nouveau ma liste. Je constatais que j’en avais oublié une. Une bougie de la couleur du démon. Il m’en fallait donc une violette. Le livre insistait sur le fait de choisir une couleur très foncée. Je sélectionnais donc le même modèle que les autres, mais de la couleur appropriée. Puis je me rendis à la caisse, où patientait Héloïse.

Par chance, je m’en tirais pour pas trop cher, puisque les éléments exigés n’étaient pas nombreux. Je songeais que cela pourrais même passer inaperçu aux yeux de Judith. Puis je réprimais cette pensée. Non, il y avait peu de chance pour que cela arrive. Elle était beaucoup plus expérimentée que moi, elle reconnaîtrait à coup sûr les signes cabalistiques. J’avais tout intérêt à bien cacher mes achats.

Je débarquais chez Héloïse vers 21 heure. Je frappais 3 fois à la porte puis attendis les points sur les hanches, tout en mâchant mon chewing-gum. Un bruit de cavalcade, puis de chute dans les escaliers se firent entendre et la porte s’ouvrit brusquement. Mon amie m’accueilli avec une grimace de douleur, accrochée à la poignée comme à une bouée de sauvetage.

-Ahhhh… Fit-elle.

-Oh putain! Tu t’es pas loupée.

-Bah vas y entre dans la baraque.

Je m’exécutais. Une délicieuse odeur flottait dans l’air. Je l’identifiais comme étant celle du curry. Probablement du poulet au curry. Héloïse était fan de la nourriture chinoise, et les repas de familles en étaient souvent composés chez les Dumont.

-Psst! Où est-ce que je planque la marchandise? Fit je à voix base.

-Putain, file moi ça!

Elle m’arracha mon sac des mains et s’enfuit en courant dans les escaliers pour se réfugier à l’étage. Je m’efforçais de la suivre. Elle se jeta contre la porte de sa chambre et balança mon sac sous son lit. Puis elle s’affalât sur son lit à la couverture rouge sombre.

-Voilà, maintenant on peut avoir la conscience tranquille.

-Sa y est c’est fini le parcours du combattant là?

-Ouais ouais. Bon, on va descendre parce que ma daronne nous à fait un repas complet et pis si on viens pas elle va faire la gueule.

-Oki.

Nous descendîmes pour prendre le repas. La tradition chinoise fut respectée. Ainsi, le dîner se déroula dans le salon, où nous mangeâmes sur la table basse, assises en position seiza.

Ensuite, nous nous occupâmes du mieux que nous pouvions en patientant jusqu’à l’heure tant attendue.

Notre plan était très simple. Officiellement, nous devions aller en boite de nuit pour danser. Bizarrement, Judith n’avait même pas réagit. Elle était pourtant censée savoir que j’avais horreur de ce genre d’endroit. Pour renforcer notre alibi, nous étions apprêtées en conséquences. C’était j’avais été forcée de revêtir un jean moulant et un t-shirt à paillettes accompagné d’un petit gilet noir assortit.

-Nan mais regarde moi ça! Fis-je à mon amie tout en m’observant dans un miroir en pied.

-De quoi?

-Il va croire qu’on se fous de sa gueule le démon, si il nous vois fringuées comme ça.

-C’est pas faux. Mais bon, on a pas vraiment le choix.

-Ok, fis-je en soupirant. C’est partit pour la honte internationale!

Nous descendîmes saluer les parents d’Héloïse avant de « partir en soirée ». Après avoir refermé la porte derrière nous et vérifier que personne ne nous observait, je mis mon don en action pour faire sortir le sac contenant le matériel par la fenêtre. Il atterrit en douceur dans mes bras.

Contrairement à moi, Héloïse possédait une voiture. Ce qui nous arrangeais bien pour notre petit plan. Je balançais le sac dans le coffre avant de m’installer à la place du mort. Pour donner plus de vraisemblance à notre mascarade, j’enfonçais un bouton sur le tableau de bord qui déclancha la radio. Un tube populaire emplit l’habitacle. Quelle horreur! Ce n’était pas du tout mon genre de musique. Je m’empressais de changer de station et optais pour une chaîne plus rock. Héloïse s’assit à sa place et inséra ses clés dans la fente prévue à cet effet. Elle mis le contact. L’engin démarra bruyamment et nous emmena dans la nuit.

20 minutes plus tard, nous étions arrivées à destination. Pour ne pas éveiller la méfiance des riverains, nous nous étions garé en retrait, dans un petit recoin discret près de la forêt. Je saisit le sac et l’installait sur mon épaule avant de mettre en route. L’été touchais à sa fin, et cela se faisait sentir. Je frissonnais. Pas seulement de froid, mais aussi d’excitation.

Une fois arrivée à destination, je levais les yeux pour contempler la grille de fer forgé rouillée. Il ne manquais plus que l’inscription « cemetary », et nous étions dans un film d’épouvante américain. Comme il fallait s’y attendre, la grille était verrouillée. Je posais ma main sur la poignée et fermais les yeux. Je me concentrais et visualisais le mécanisme du verrou. J’actionnais mon don et un petit déclic se fit entendre. Je pénétrais dans le lieu sacré, Héloïse sur les talons. Nous nous efforçâmes de traverser les graviers sans faire trop de bruit. Je m’arrêtait soudain. Je scrutais les pierres tombales. Je me demandais où nous allions effectuer le rituel. Je n’allais tout de même pas me permettre de souiller une tombe innocente. Je ne m’inquiétais pas pour ma conscience. Seulement, mieux valait ne pas offenser les esprits. J’avais déjà connu la hantise et je ne tenait pas à subir à nouveau les assauts d’un fantôme en colère.

J’en était là de mes réflexions lorsque je le vis. Au centre de l’allée principale, se tenait une sorte de petit temple de pierre blanche. Je m’élançais en courant dans sa direction.

J’avais vu juste. Il était purement décoratif. C’était parfait. Je fis signe à Héloïse de me rejoindre.

-Voilà, c’est ici qu’on va le faire.

-Ok. C’est parti.

J’étais soudain nerveuse. Enfin j’allais le faire. Mon but ultime allais se réaliser. Je pris une profonde inspiration puis me mis à genoux et entrepris de vider le matériel à terre, en prenant soin de ne rien abîmer. Héloïse se posta devant moi, adoptant la même position. Elle sortit un briquet de la poche de son jean et alluma l’encens. Un douce fragrance s’en éleva. Je fis de même avec les bougies noires, que je disposais en cercle. Je plaçais la violette au centre. Tout était prêt. Nous allions pouvoir commencer.

Nous étions face à face. Je lui tendis une feuille de papier sur laquelle était dessiné un pentagramme, signe de notre démon. Presque en même temps, nous fermâmes les yeux. S’ensuivit une longue minute de silence, pendant laquelle je me concentrais sur l’image. Puis je rouvris les yeux et prononçais son nom à voix haute.

-Sebastian Michaelis.

Puis, je commençais à réciter la formule d’invocation que j’avais apprise par cœur. La voix d’Héloïse me rejoignit.

-Seigneur Satan, de par ta grâce, concède moi, je te prie, la force de concevoir dans mon esprit et d’exécuter ce dont je désire, les fins que j’atteindrait par ton aide, O Puissant Satan, le seul Vrai Dieu qui vivra et règnera pour toujours. Je te supplie d’inspirer Sebastian Michaelis a se manifester devant moi afin qu’il puisse me donner une réponse fidèle et véridique, pour que je puisse accomplir mon but désiré, pourvu qu’il soit propre a sa fonction. Ceci que je demande respectueusement et humblement en Ton Nom, Seigneur Satan, que tu m’en juge digne, Père.

Cependant que je répétais sans cesse cette litanie, le vent se déchaîna et de sombres étincelles m’entourèrent. Mais je ne pouvais pas les voir, car la concentration m’avais à nouveau fait fermer les yeux. Je sentais le vent caresser ma peau, mais j’était absorbée par mon œuvre.

Ce fut le hurlement de mon amie qui m’arracha à ma prière. J’eu à peine le temps de réaliser ce qui se passait autour de moi. Ce fut comme si on me donnait un grand coup de masse sur la tête, et je perdis connaissance.